J'avais neuf ans et revenais de vacances en Espagne avec ma soeur et mes parents. Au lieu de prendre le chemin le plus court pour regagner la Suisse, ils avaient décidé de rendre visite à un oncle de mon père qui vivait alors à la campagne près de Toulouse et de rester chez lui un jour ou deux. Pour franchir les Pyrénées et redescendre en plaine, mon père avait pris un chemin plutôt sinueux et pittoresque, où il s'est même égaré plus d'une fois (sans parler d'un pneu crevé et autres aventures du même genre ). Ce qui m'avait tout de même permis d'être ébloui, durant ce périple et ensuite chez ce grand-oncle, par des paysages absolument superbes.
Cinq ou six ans plus tard, après avoir découvert avec passion l'oeuvre pour piano de Ravel puis de Debussy, j'ai donc inévitablement associé à ces beaux paysages les quelques pièces pour piano de Déodat de Séverac (1872-1921) que j'entendis pour la première fois à la radio (il y avait en tout cas la suite Cerdaña et Baigneuses au soleil). Une tentative de jouer ensuite moi-même au piano En Languedoc s'est cependant vite soldée par un échec, vu les sept bémols à la clé qu'on y voit dès la pièce intitulée "Vers le Mas en fête" et le fait que j'étais plutôt du genre "instinctif", et pas très bon en solfège .
Presque aussi célèbre à son époque (en tant que "grand moderniste") que l'étaient Debussy et Ravel, Déodat de Séverac est pourtant loin d'avoir acquis la notoriété des deux autres. Quand Debussy disait de sa musique qu'elle "sentait bon", il devait surtout penser à son oeuvre pour piano (dont Blanche Selva et Ricardo Viñes s'étaient faits les champions), qui est pratiquement la seule à être encore régulièrement jouée et enregistrée de nos jours (cf. les quasi intégrales d'Aldo Ciccolini et d'Izumi Tateno - un Japonais établi en Finlande ! -, ainsi que les disques isolés d'autres pianistes tels que Jean-Joël Barbier, Françoise Thinat ou Billy Eidi).
Sur ce compositeur "régionaliste" (je n'aime pas beaucoup ce terme mais ça aide quand même à le situer), élève de Vincent d'Indy à la Schola Cantorum puis grand ami d'Isaac Albéniz et parfois très proche, par le "climat" et les harmonies raffinées, de Debussy et de Ravel, il existe toutefois depuis peu un livre très complet, intitulé simplement "Déodat de Séverac" et écrit par Catherine Buser Picard pour la série "Mélophiles" (Editions Papillon, Genève, 2007).
Avec ce nouveau livre, les disques déjà cités, une intégrale des mélodies (François Le Roux / Graham Johnson, Hyperion), un CD rare d'inédits pour piano par Isabelle Legoux-Laboureau (Revolum) et le disque de quelques oeuvres pour orchestre enregistré récemment par Roberto Benzi et l'OSR (Cascavelle), je ne crois pas pour l'instant oublier beaucoup de choses importantes en ce qui concerne Déodat de Séverac et la musique qui en a été enregistrée.
Mais, là encore, je me demandais quelles réactions ce compositeur et son oeuvre pouvaient susciter chez d'autres participants à ce forum ...
Jacques