Les moyens, ou plutôt leur modèle de cohabitation... il n'y a pas de persiflage politicien pour le coup...
Pas compris le lien avec les Diabelli. À moins que je n'aie rien compris aux Diabelli où je ne trouve ni grotesque ni humour appuyé. Qu'on puisse trouver de l'humour à cette musique soit, mais on n'y entend pas Beethoven se dire "là ils vont éclater de rire".
C'est que tout cela renvoie assez au sujet de départ et aux ambiguïtés liées aux termes "grotesque", "ironie". Si par grotesque pour entendez que l'expression d'un caractère grotesque tend à rendre plus ou moins grotesque la perception de la musique elle-même, vous parlez en fait de ridicule, et il est vrai qu'on ne trouve jamais un passage des Diabelli ridicule si on les aime - ce qui, naturellement, est mon cas.
Le problème serait donc la prise au sérieux du grotesque. Je ne sais pas moi, pour faire simple, dans Notte et giorno faticar. L'irruption du violoncelle dans la ronde-trio du scherzo du quatuor en la mineur ne relève-t-elle pas d'un grotesque qui ne peut qu'être pris au sérieux, ou alors de l'irruption d'un sérieux qui dans ce contexte revêt une apparence grotesque? Quant au trio du scherzo de la première sonate de Schumann, il se veut littéralement (alla burla pomposo) grotesque, mais la plus grande ironie est ici carrément que presque personne ne peut jouer cela de façon ridicule et chacun tend plutôt à le rendre le plus crédiblement lyrique possible. Etc.: et c'est là que je conteste votre thèse, car il y a un stade d'utilisation du grotesque qui ne peut qu'être pris au sérieux.
Je ne connais pas tout ce que vous citez. C'est mon sentiment et je ne pensais pas qu'il serait une "thèse forte". En bref, la musique est pour moi par excellence l'art du premier degré, de la transmission si possible non informée, des tripes ou des émotions avant la cervelle. Les messages cachés dans du second degré peuvent être une nécessité dictée par de fâcheuses circonstances politiques mais ils ne m'intéressent pas comme amateur de musique. Pour cela j'ai la lecture, le cinéma ... Mais tout ça est très personnel et je ne cherche à convaincre personne.
Mais je comprends très bien, et ne suis sûrement pas loin de partager ce point de vue. Simplement l'interaction entre l'expression musicale et le vocabulaire des sentiments et affects est plus compliquée, et condamnée à l'imperfection - sinon la musique n'aurait aucun intérêt majeur d'ailleurs.
Pour moi, il n'est pas question de parler de messages cachés ni de messages tout court. Mais en revanche le premier degré (qui il est vrai est rare dans le grotesque alla Chostakovitch) peut être intrinsèquement ambigu, et je pense que c'est le cas dans les exemples que je donne. Le contexte musical (la diachronie), ou la superposition (la synchronie) peuvent altérer le caractère d'un motif, d'un trait, d'une citation.
Synchronie: dans l'exposé (après récitatif) de la Polonaise-Fantaisie, Chopin n'est pas loin d'une certaine forme de grotesque à la main gauche, en accollant à un thème lyrique magnifique une formule d'accompagnement typique de son style militaire, tout cela joué piano. Mais il est évidemment hors de question de ne pas le prendre au sérieux, une fois encore.
On objectera que ce n'est pas du grotesque mais de la distanciation, et que c'est plus subtile: mais où est la frontière? J'incline à penser qu'il n'y en a pas. La seule frontière serait celle que vous mentionnez: le message plus ou moins caché, qui se réfère à un contexte extra-musical, dont indépendamment du temps musical: ni diachronique, ni synchronique.
La section centrale des Collines d'Anacapri est totalement indécise quant au degré auquel elle demande d'être pris. Et le point important est qu'il ne faut surtout pas décider mais seulement jouer, ce qui signifie autrement, une fois encore, qu'il n'y a pas de message accollé à la dimension ironique mais seulement de la musique à jouer, précisément, de la musique pure.
Et enfin un net exemple de diachronie: le premier thème de la 6e Sonate de Prokofiev est un bon candidat à l'exemple du grotesque russe dont parle Chiarina au départ (beaucoup plus que le grotesque "à message" de Chosta). Mais quand ce même thème ressurgit du silence et de nulle part dans le finale, son caractère est totalement inversé, le contexte d'où il refait surface l'a rendu fragile, sensible, interrogateur, et pas drôle pour un sou mais poignant voire déchirant.
Dernière modification par Theo B ; 14/01/2010 à 02h04.
Ok pour l'art du 1er degré que constitue la musique, mais je ne vois pas en quoi c'est incompatible avec le grotesque dont il est question ici. Le 1er concerto pour violoncelle de Chosta, je le trouve grinçant et très énergique et il provoque en moi une émotion directe. Peu importent les raisons politiques ou autres qui ont dicté son élaboration. C'est un sentiment du dérisoire que j'aimerais retrouver dans d'autres morceaux, d'où un essai de liste. Mais ça aussi, c'est très personnel.
Moscheles, et si le grotesque faisait partie de la palette des "sentiments" ou "affects" - c'est approximatif - dans laquelle puise une musique comme celle de Chostakotvitch? Personnellement, plus je lis et mieux je crois comprendre Dostoievsky et Gogol, et depuis que j'ai lu les réflexions de Bakhtine sur le grotesque, plus j'ai l'impression d'entrer dans cette musique dont les contrastes expressifs me désarçonnaient et me laissait en dehors aupravant, car ils ne figuraient pas dans ma "palette culturelle".
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